Lettre ouverte de Kader Diarrassouba, proche de Guillaume Soro, à Hamed Bakayoko, premier ministre ivoirien datant du 22 juin 2020.
Grand frère, résonnent déjà dans ma tête, des centaines de voix qui s’élèveront contre ce que je vais te dire à travers cette missive. Je souligne que je ne ferai pas attention aux cris d’orfraie et autres jérémiades du genre « ce pauvre petit là va parler à Golden ? ».
D’autant plus que je partage d’entrée avec toi une expérience vécue en 2013 au plateau alors que nous étions à une cérémonie en présence de la Première Dame et d’autres sommités politiques. Un homme royalement ignoré dans une veste défraîchie assez grande pour lui d’ailleurs, me tapotait l’épaule afin de me parler. Grande fut ma surprise de voir que c’était Émile Constant Bombet.
Tu as bien lu ! L’immense Bombet, l’homme lige d’un défunt régime tout puissant, devant moi, un garnement, entrain de négocier un rendez-vous avec le Ministre Sidiki Konaté. Je n’en suis pas revenu mais ce que j’ai appris ce jour est un raisonnement existentialiste que je partage avec toi : « on a toujours assez d’humilité pour supporter sa propre gloire ». Grand frère Hamed, souffres donc que je te parle, que je me vide. Tu sais, on parle généralement à quelqu’un qu’on affectionne surtout quand dans un pan de sa vie, on remarque des similitudes avec une réussite ivoirienne qui n’a pas eu le sang bleu à la naissance, un self-made-man.
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Grand frère, les récents événements avec la mise au goût du jour de l’article de Vice t’incriminant lourdement m’a fait un pincement au cœur. Je me suis abstenu d’en parler parce que dans mon for intérieur, je me suis depuis convaincu après réflexions avec un ami journaliste, Assalé Tiémoko Antoine en 2016, qu’après ton frère Guillaume, la machine de la répression du pouvoir s’appliquera à te détruire, pour contenir ta popularité, de fait, tes ambitions.
Tu as pu le constater toi-même, la direction du RHDP n’a pas bronché même si d’aucuns ont essayé de te soutenir avec des déclarations ça et là. Puis, je t’ai vu réagir à travers un petit communiqué : « ma réputation est toute faite. Elle est pure et sans taches.» Je me suis dis Palsambleu ! Hamed s’est auto-canonisé, s’inscrivant lui-même dans le panthéon des saints, dans la catégorie des Jesus ou Jean Paul 2.
Grand frère, pour le paragon de vertus que tu dis être, faut savoir Jesus avait un seul Judas Iscariot dans son entourage. Tes proches à toi, pour la majorité ont des réputations sulfureuses, traînant dans des affaires pas très catholiques pour ne pas dire putrides. Ça, tout le monde le sait mais personne n’ose en parler.
Ceci doit quand même te mettre la puce à l’oreille pour ne pas confondre la crainte et le respect ; tu es craint c’est vrai, justement à cause de ces personnes aux faces et attitudes patibulaires, mais tout le monde le murmure sans respect, que ton écosystème n’est pas du tout propre. Je referme cette parenthèse en marquant ma surprise sur un fait ; toi le journaliste, qui t’a blagué pour annoncer une plainte contre tes confrères et un média aussi puissant comme Vice ?
Quid de la plainte de l’Etat de Côte d’Ivoire contre la Lettre du Continent ? Quand on prétend porter la culotte à un éléphant, quand on y arrive, c’est un exploit mais quand on échoue, la honte est proportionnelle au poids du mastodonte.
Grand frère, dans un show démagogique qui ne dit pas son nom lors de la campagne des élections municipales de 2018 à Abobo, tu avais affirmé sous les hourras que les projets de milliards, tu les réglais en un coup de fil de cinq minutes. De 2018 à aujourd’hui, si tu mettais en exécution ce que tu avais prophétisé, Abobo serait New York et les jeunes de cette cité n’allaient pas trouver pitance dans la manipulation des machettes.
Dans le même élan effréné, tu as « calé, géré et bouclé 2020 », toi qui te plaignais pourtant quand les gens de Gbagbo utilisaient « on gagne ou on gagne » insinuant que c’était l’aveu d’une fraude massive en préparation. L’obsession pour l’élection de 2020 qui est cadenassée à ton sens, te fait oublier la mission qui t’est assignée.
Grand frère, nous on comprend comment qu’une alerte diplomatique de l’ambassade des États-Unis datant du 3 juin 2020, mette en garde contre l’imminence d’une attaque terroriste et que l’anticipation des services sécuritaires ivoiriens fasse défaut au point où 13 de nos soldats sont tués par surprise ? Y’a t’il eu un laissez-faire ou bien c’est juste de l’incompétence.
Ces interrogations m’ont fait creuser mes méninges ; la quasi-concomitance des articles de Vice et l’attaque terroriste de Kafolo laisse conter le théorème de Pasqua : «Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien.»
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Grand frère, en plus d’être un bon disciple de Pasqua, tu es beaucoup trop prévisible dans l’application de sa doctrine. « Il faut terroriser les terroristes » il disait tout comme ce que tu as avancé après l’attaque de Kafolo. C’est bien dans le fond mais lorsqu’on se spécialise dans la recherche de boucs émissaires aux maux de notre société, on se fait responsable du marasme dans lequel la politisation absolue de la vie de la nation nous conduit.
Grand frère, sous Gbagbo, qui était un adversaire commun très farouche, il n’y a jamais eu de collusion avec des forces exogènes terroristes pour attaquer la Côte d’Ivoire. Mais au grand étonnement, aujourd’hui tu dis que des gens sont « ennemis de leur propre pays ». Détrompes-toi, vous vous êtes mis tout le monde à dos, même vos alliés les plus intimes, à cause de votre appétit vorace et de votre méchanceté extrême.
Golden, comment tu as pu t’associer au complot pour atteinte à la sûreté de l’Etat le plus loufoque de l’histoire de la Côte d’Ivoire contre ton frère Bogota ? Tu ne tarissais pas d’éloges pourtant pour lui pour ses grandes qualités que tu vantais et aussi en reconnaissance de sa main tendue pour toi lorsqu’il était Premier Ministre sous Laurent Gbagbo.
Après la Cour Africaine Africaine des Droits de l’Homme, c’est au tour de l’Union Internationale des Parlementaires de démontrer la vacuité de vos arguments contre Bogota. Demi-dieu comme on t’appelle souvent, tu dois avoir l’intelligence de comprendre que tu as plus à craindre de ton frère-ennemi Amadou Soumahoro avec qui tu discutes l’hégémonie régionale ou encore de Amadou Gon Coulibaly que normalement, tu dois remplacer à la Primature ou éventuellement pour la course à la présidentielle sous la bannière du RHDP.
Est-ce que d’ailleurs Bogota t’a une fois répondu malgré toutes tes pics, moqueries ou attaques le concernant ?Grand frère, je vais te dire quelque chose. Façon affaire là s’en va, tout le monde te regarde faire ton baroud d’honneur, te battre pour des gens qui t’ont en réalité déjà lâché. Tu es entrain de cumuler des erreurs et t’accrocher à une capture d’écran d’un tweet de l’ambassade des États-Unis diversement commentée qui n’est en réalité qu’une bouée de sauvetage.
Le ministère de La Défense n’est pas le ministère de la Culture ; les déclarations à l’emporte-pièce ne sont pas tolérées. Après l’attaque terroriste de Bassam, tu nous annonçais que les comploteurs avaient été arrêtés. Les ivoiriens n’ont plus eu de suite dans cette affaire. Aujourd’hui, la même chanson nous est servie avec le même air grave.
Grand frère, y’a longtemps que nous avons compris que l’appétit venant en mangeant, les gens là allaient nous contraindre à un combat générationnel qu’ils veulent faire passer pour une lutte anti-gérontocratique. Ne sois pas le vérin qu’on utilise et agite pour combattre injustement ceux avec qui tu as encore de belles et longues années de vie politique à passer ensemble. C’est devant toi que les « aînés » qui s’aimaient à en mourir autour d’un deal politique sont arrivés à se répudier parce que l’un veut doubler l’autre dans une série d’entourloupes qui durent depuis plus de trente ans.
Grand frère Hamed, médites cette citation de ton frère Guillaume : « Dans ce pays que nous voulons libre, démocratique et prospère, personne de vous, personne de nous ne sommes à l’abri des ragots. Notre chemin politique à tous est parsemé d’embûches dressés par la médisance, la méchanceté et la calomnie. » Prends en de la graine, laisses ton coeur aimer ceux qui n’en t’en veulent pas et ta tête, prendre conscience de qui sont tes vrais ennemis.