Quel est le bilan économique et social du pouvoir d’Alassane Ouattara, candidat RHDP à la présidentielle ivoirienne du 31 octobre 2020 ?
- CROISSANCE RECORD
« La Côte d’Ivoire est une des économies les plus dynamiques d’Afrique subsaharienne », relève la Banque Mondiale (BM) dans son dernier rapport.
Avec une croissance moyenne de 7 à 8% par an depuis 2011 selon le gouvernement, la Côte d’Ivoire a plus que doublé son PIB, de 25,4 milliards de dollars (21,5 milliards d’euros) en 2010 à 58,8 milliards (49,7 milliards d’euros) en 2019 (source BM) et elle est redevenue la locomotive économique de l’Afrique de l’ouest francophone.
La croissance s’appuie sur les services, notamment les télécommunications, sur le BTP et la construction ainsi que l’énergie, soutenus par de forts investissements publics dans les infrastructures (électricité, routes, eau potable).
Le secteur agricole reste primordial, notamment le cacao, dont la production a doublé en une décennie, à 2,1 millions de tonnes en 2019-20, confortant la place de premier producteur mondial du pays, avec 40% du marché. La culture du cacao fait vivre un cinquième de la population ivoirienne, contribue pour 15% au PIB, et le cacao et ses produits dérivés représentent la moitié des exportations (BM).
« L’économie ivoirienne a connu une transformation structurelle, mais reste trop dépendante de la commande publique. Le secteur privé n’a pas encore une envergure suffisante pour prendre le relais », juge l’économiste Youssouf Carius, dirigeant de la société d’investissement Pulsar Partners.
Autre problème persistant, la corruption, dont l’Union européenne avait pointé l’importance dans un rapport en 2018.
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Grâce à la forte croissance, le revenu national par habitant a plus que doublé, passant de 1.120 dollars en 2011 à 2.290 dollars en 2019 (chiffres BM). Mais ce chiffre masque d’énormes inégalités de revenus.
Une grande partie de l’économie ivoirienne reste informelle, représentant environ 70% de la valeur ajoutée et jusqu’à 90% de l’emploi (BM).
- PAUVRETE PERSISTANTE
« Nous avons inversé la courbe de la pauvreté qui est en net recul », a déclaré le président Alassane Ouattara en août.
Effectivement, le taux de pauvreté a reculé de 55,4% en 2011 à 39,5% en 2018, selon l’enquête menée par l’Institut national de statistiques ivoirien et la BM.
Cependant, la population ayant augmenté de 20 à 25 millions d’habitants dans la même période (estimation BM), le nombre de pauvres s’établit encore à environ 10 millions, contre 11 millions il y a dix ans.
« La pauvreté reste un défi (…) la croissance économique aurait pu être plus équitable et inclusive », note la BM.
Elle précise que « les résultats en matière de développement humain ne sont pas pleinement à la mesure de la forte croissance », notamment « dans les domaines de l’éducation et de la santé, (où) la Côte d’Ivoire accuse un certain retard par rapport aux moyennes de sa région (…) malgré des dépenses publiques considérables ».
« Le problème, c’est l’efficacité insuffisante des investissements dans l’éducation et la santé », analyse Youssouf Carius.
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A un an de la présidentielle, le gouvernement a lancé un grand plan social de plus d’un milliard d’euros sur deux ans (2019-20) pour tenter de réduire plus rapidement la pauvreté, avec des aides pour les ménages les plus démunis.
- CORONAVIRUS: REBOND RAPIDE
La croissance ivoirienne devrait chuter à seulement 1,8 % en 2020 à cause de la crise mondiale du Covid-19. La BM prévoit un rebond rapide à 5% en 2021, puis la croissance devrait « se rapprocher des niveaux d’avant la crise les années suivantes ».
La crise liée à la pandémie a sévèrement touché les entreprises, surtout les petites. Plus d’un tiers ont fermé, temporairement ou définitivement (BM).
Les ménages ont aussi été durement touchés, surtout les plus pauvres. Sept ménages sur 10 ont subi une baisse de revenus et peinent à faire face à leurs dépenses de base (BM).
Pour amortir le choc, le gouvernement a lancé un plan soutien de 1.700 milliards FCFA (2,6 milliards d’euros) soit 5% du PIB, sur deux ans (2020-2021).
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- L’EMERGENCE ATTENDRA
« La Côte d’Ivoire continuera d’avancer à pas résolus vers l’émergence », a déclaré Alassane Ouattara dans son discours du Nouvel An 2020. Manière de dire que le pari, lancé en 2011, d’atteindre l’émergence en 2020 était repoussé ?
Le gouvernement n’a jamais défini des critères économiques et sociaux pour cette « émergence ».
« C’était avant tout un slogan », analyse Youssouf Carius. « Mais si l’on entend par émergence le fait qu’une majorité de la population ait accès aux biens et services essentiels et à des conditions de vie décentes, l’émergence n’est pas atteinte ».