Tu sors de la dernière édition du festival »Hip Hop enjaillement ». S’il ya un bilan à faire, que dirais-tu ?
Oui, je sors de la 6ème édition de mon festival intitulé »Hip-hop Enjaillement » qui a vu la participation du célèbre rappeur Français LEFA , du groupe de Rap ivoirien KIFF NO BEAT , MALIKA La Slameuse , JO2PLAINP de la Suisse qui ont donné de gros concerts au public venu nombreux. Je n’oublie pas de mentionner les jeunes rappeurs d’Abidjan qui ont apporté leurs notes à ce rendez vous. Dans l’ensemble, le bilan est satisfaisant. Près de 5000 personnes à la place Ernesto Djedje, c’était du lourd. Je profite également pour remercier tous les partenaires qui m’ont accompagné. C’est vrai que ce n’est pas facile, mais sommes contents du résultat final.
Dans le hip hop féminin, tu fais office de doyenne de par ta longévité sur scène. Comment appréhendes-tu un tel statut ?
On m’appelle »Omanh » Nash à cause de ma petite ancienneté dans le mouvement Hiphop et ça fait plaisir de pouvoir apporter ce petit grain de sel dans le Hiphop . Moi je suis pour la constance et non pour le succès rapide encore moins l’euphorie qui fait perdre le nord. C’est tout doucement qu’on y arrive.
Nash et le nouchi, c’est toute une histoire. Comment ça t’es venue cette manière de t’exprimer ?
Nash et le Nouchi disons que c’est depuis 1998 à yopougon Niangon Nord carrefour »petit marché » à travers mes petites sorties promo dans les »sound system » et mes balades à »Adjamtala » ( Adjamé) chez mes aînés comme CAMSO, PAPSON que j’ai connu lors d’une foire à Man. Nous sommes restés en contact et lorsque je suis venue à Abidjan, nous avons gardé le contact. C’était des »blackistes », des »djassamen ». Ils vendaient les chaussures au quartier »Abrass » vers la grande mosquée d’Adjamé, à Yopougon Kouté, à la Sicogi aussi. Je partais donc vendre avec eux par moments. C’est là que j’ai appris quelques mots comme »Krisbe », »canique » et autres…Ils habitaient dans la commune d’Attecoubé en haut de l’hôtel »Sebroko ». Ils me faisaient renter dans des »Koulangayos » ( les ruelles) et me montraient les »glôglôs » ( de petits endroits) un peu partout. Ils m’ont adopté parce qu’ils appréciaient ma manière de parler. À la base aussi, j’avais déjà le style »Ziguehi » depuis la ville de Man. Il me fallait juste savoir manier le langage Nouchi. Et au fur et à mesure, je voyais que tout le monde autour de moi ne parlait que le Nouchi pourtant moi une go »Ziguehi », je rappais en »gbangban » ( dans la langue) de Molière. Donc les gens étaient fans, mais eux, ils me voyaient en »bengolo » ( Française). Et pourtant, je suis une go de la commune de Yopougon. Donc un jour comme ça, je me suis dit qu’il faille que je change mon »gbahement » ( ma manière de rapper) . Je me suis résolue à »gbôssô » ( à rendre) mes textes en nouchi. Donc j’ai fait un petit texte en nouchi sur un instru rap et lors d’un sound system organisé par Alpha X et parrainé par le »kôrô » ( le grand frère) Bony Ras et Joey Starr, j’ai »gboro » ( rappé), et ils étaient »bôrô »( ils ont apprécié). Donc le vieux père Bony m’a pris pour me mettre sur la compilation »Enjaillement » avec le titre »1ère Djandjou » qu’il a lui même arrangé et il m’a donné le thème et m’a demandé d’écrire le texte. Quand j’ai fini, je suis partie au studio, et il m’a dit que mon nouchi n’était pas encore au point. Je suis donc retournée retravailler mes rimes, la structure avec les corrections qu’il a apportées. Cela a donné par la suite un nouchi »oridjidji » ( original). Dès lors, je me suis mise à suivre ses conseils, et voilà le résultat.
Peux-tu faire une journée sans parler le nouchi ?
Faire une journée sans nouchi , bon ça dépend hein ( rires). Ça dépend du milieu dans lequel je me trouve sinon je gbaye ( je m’exprime) bien en français . Oui, il arrive que je ne parle que du français soutenu, et ce, fonction du cadre et de l’environnement.
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Tu viens de sortir un nouveau single. Parle-nous en
Mon nouveau single est intitulé »WAPANHOUN ». C’est un »bôrô » ( une dédicace) à tous les »chercheurs », les »brobrossèr » , ceux qui font de petits »Bara »( boulots) afin de subvenir à leurs besoins, et à ceux de leurs familles . En fait, »Wapanhoun », c’est ainsi qu’on désigne maintenant »les djôssair de nanan » ( ceux qui aident les usagers à garer leurs voitures dans la commune du Plateau) . Il ya un an de cela, ils m’ont accosté au Plateau, et m’ont dit : »une sœur, pardon faut faire un son pour nous les »Wapanhoun » , tu es trop »pure ». Si tu fais, on va nous respecter un peu…Les môgôs ( les gens) nous voient en »maudit » ( des damnés de la société) , donc là pardon faut »siancer » ( essaie d’y réfléchir). Au début, j’ai voulu faire entrer en studio l’un d’entre eux, mais difficile de mettre la main sur lui donc cela a mis du temps et j’ai »zié » ( regardé) dans le milieu et ma »gamme » ( mon esprit) est allé sur Ariel Sheney , que j’aime beaucoup et qui est très talentueux. Aussi, je l’ai senti plus sur le son que toute autre personne. Je fais mes feat par l’esprit, c’est dire avec un artiste qui peut comprendre le message que je veux traduire. C’est pareil pour le choix de Caple Master en tant qu’arrangeur. Vu que paix à son âme, Roch Bi avait déjà fait une chanson pour les »djôsssair de nanan » spécialement, j’ai préféré opter pour tous les »ziguehis » , ces guerriers , ces personnes qui n’attendent pas qu’on leur tende la main, qui se cherchent comme on le dit.
Ta carrière a connu des périodes de pic et de creux, comment as-tu vécu ces moments difficiles ?
J’avoue qu’à un moment donné, j’ai failli tout abandonner. J’ai fait face à la déception, la trahison, les calomnies. Je me suis vue abandonner par mes proches, le manque de moyens financiers, l’ingratitude, l’hypocrisie autour de moi. A un moment donné de ma vie, j’étais abattue et j’avais de la haine. J’avais trop mal, car j’étais incomprise. Je ne comprenais pas l’acharnement de certaines personnes contre moi .Et pourtant, je me bats pour m’en sortir. Je suis disponible pour tout le monde et à mon tour, les gens me lâchent surtout certains aînés et amis pour qui, j’étais prête à tout. Mais ce sont des expériences de la vie qui m’ont servi. Cela m’a permis de comprendre que dans le showbiz, ce sont les malhonnêtes et ceux qui n’ont pas de sentiments qui s’en sortent. Aussi les personnes qui n’ont pas froid aux yeux , qui sont récalcitrants et qui pensent business , celles qui se jouent les stars qui avancent et construisent mais les personnes simples, humbles et gentilles souffrent toujours dans ce milieu. Donc je me fais un moral et j’essaie d’avancer tout en demandant à Dieu de me donner sa sagesse et sa force.
As-tu des regrets par rapport à des choix que tu as faits ou que tu n’aurais pas dû faire ?
J’ai eu beaucoup de regrets par rapport à certains choix , mais aujourd’hui, je pense qu’il fallait que je passe par certaines situations pour comprendre et savoir comment marcher désormais et ce, à quoi m’en tenir dans ce monde de méchanceté et de rencontres.
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Pour terminer, parle nous de ta foi chrétienne. Comment la conversion est-elle venue ? Fais nous partager un témoignage
Je suis vraiment contente de connaître le seigneur car il a mis des gens formidables , des anges auprès de moi pour me bénir , me soutenir spirituellement et dans tous les sens . Je bénis le nom de Dieu pour la vie de mon grand frère, le Prophète Joel Elie qui est celui là qui a prié pour moi lorsque j’ai piqué ma crise en 2012 après la 2 ème Édition de mon festival »Hip-hop Enjaillement », là où les gens du milieu se sont retournés contre moi, m’ont fait échouer l’édition en question, et m’ont abandonné. Je suis tombée gravement malade et j’ai failli »douffe » ( mourir). Toutes mes activités étaient bloquées , je perdais beaucoup de contrats, comme si j’étais devenue une personne indésirable, je perdais la forme , même pour manger, payer mon loyer, c’était difficile à telle enseigne que faute de payer mes factures d’électricité, j’ai été privée de courant. Je devais même jusqu’à 3 mois de loyers et le propriétaire menaçait de me »founh » ( de me chasser) de sa maison. Il me parlait mal et pour en rajouter, je mourrais à petit feu. Ah oui, je reviens de loin . Un soir, je rentrais à la maison et j’ai commencé à ressentir de grandes douleurs à la poitrine , au dos et des crampes au visage , je criais mais personne ne m’entendait. J’ai envoyé mon manager Paco à la pharmacie et dès qu’il a bougé , le mal s’est intensifié, je criais de toutes mes forces, mais les voisins n’entendaient pas. Je suis restée couchée et j’ai composé le numéro de mon cousin pasteur, le prophète Joel Elie qui est resté au téléphone avec moi , qui priait pour moi jusqu’à ce qu’il quitte Angré pour me rejoindre à Marcory. Je ne pouvais pas me tenir sur mes jambes tellement que la douleur était forte . J’avais mal de partout. Il est venu avec une sœur de son église et ma petite sœur Prisca les a rejoints avec Paco. Ils ont prié de 19heures à 6heures du matin. Et c est là que toutes les douleurs, je dis bien crampes au visage , douleurs de ventre , dos , poitrine, ont disparu. Le lendemain, j’ai ma frangine Yardenit ( Samy) qui est venue me parler de JÉSUS, et m’a dit, donne ta vie au seigneur, Nash. Arrête de le fuir , regarde ta situation. Le seigneur vient de te sauver de la mort, allons à l’église s’il te plait. Viens telle que tu es. Chez nous, on ne juge pas, viens le seigneur va changer ta vie. Elle me dit viens, si ça ne te plaît pas , ne viens plus. Le premier dimanche j’ai »gnan » ( je ne suis pas partie), et le dimanche qui a suivi, elle a insisté et mes frères aussi donc je suis allée et quand le Prophète Lasme a prêché, c’est comme s’il parlait de moi , de ma vie , de tout ce que je traversais , la parole m’a tellement touchée que je suis restée à l’église , je me suis baptisée. Je suis heureuse de connaître JÉSUS. Je n’ai pas honte de dire que je suis chrétienne. Je bénis le nom de Dieu pour la vie de mon grando, le prophète Joel Elie, l’ange de Dieu pour ma vie. Aussi pour ma Soeur Yardenit Samy, grâce à qui j’ai donné ma vie à JÉSUS et j’ai connu mon père spirituel, cet adorable et vrai homme de Dieu, le prophète LASME, une vraie bénédiction pour ma vie . Merci à ma communauté, la Mission Repos. J’aimerais rendre gloire à Dieu pour ces personnes au grand coeur qui ont toujours été d’un grand soutien pour moi. Ma mère adoptive , ah cette femme , je ne pus lui rembourser tout ce qu’elle a et continue de faire pour moi, maman Mireille de Genève , je t’aime maman. Mon »vié de vié », Don Emilio de la Gouada , mon »Lo vié », Kajeem, mon conseiller et directeur artistique, le père Mougabe 1er et surtout ma famille Sonloué, mon sang , à tous les médias de Côte d’Ivoire, toutes ces personnes dans l’ombre qui m’ont aidé pendant ces moments troubles. Pardon à tous ceux que je n’ai pas cité . Ça a été une période de grave turbulence, mais Dieu n’a pas permis que l’ennemi ait raison de moi. Merci à tous ceux qui prient pour moi et m’apportent leur »bognan » ( leurs bénédictions) et soutien sans faille. Dieu vous le rende au centuple . Merci à abidjanpeople.net pour cette opportunité. Je ne suis jamais rentrée dans ces détails de ma vie. Bientôt, je vais fêter mes 17 ans de carrière et mon anniversaire le 17 novembre 2018. Ce sera un moment de témoignage.