Avec l’avènement du coupé décalé dans le registre musical ivoirien en 2002 dans une période de crise, comme ne l’avait connu auparavant, la terre d’Eburnie, l’on a assisté à un véritable bouleversement sociologique. D’un point de vue musicale, là, où chanter était pour des puristes, les apprenants ( la plupart des musiciens ivoiriens passaient par l’INSAAC) ou avec le zouglou, genre musical dans lequel la plupart des artistes confrontaient leurs cordes vocales lors d’animations musicales, avec le coupé décalé, tout a changé.
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Les artistes ne sortent plus de l’INSAAC, ni de groupes wôyôs, mais des cabines de disc jockeys ou d’ensembles chorégraphiques, le cas de danseurs reconvertis en chanteurs. Avec un tel cas de figure, n’allons pas se vautrer dans des langages de solfège et autres. Une boite à rythme, un pas de danse, les mélomanes acclament, les décibels des nights crachent du son et bonjour la célébrité , la starmania.
Dans une telle ambiance avec la dégradation des mœurs, autant que l’éducation dont ont hérité les nouveaux tenants des scènes ivoiriennes et l’ère nouvelle des réseaux sociaux, tant de faits et gestes sont si révélateurs. Un zoom et il nous a semblé dégager deux couples de faiseurs de coupé décalé, chacun avec ses marqueurs identitaires.
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Beynaud- Vitale
Dans ce couple, celui qui est affabulé de tous les noms d’oiseaux, c’est Serge Beynaud, le prétexte idéal pour le cas échéant des espaces d’expositions médiatiques tel que le monde artistique, où aucun succès n’est simple. Soit l’on le lie à des pratiques déviationnistes, soit à la magie noire. Pour Beynaud, le raccourci que ses détracteurs ont pris est très simple : il est accusé d’être homosexuel.
Son ascension tant musicale et sociale a été si rapide que ses concurrents n’ont rien vu venir. Alors pour eux, c’est un pédé là où la simple explication de son acharnement au travail aurait suffi. En 10 ans de carrière, il aura catapulté tant de tubes. Ce qui lui a ouvert de grandes scènes dans la sous-région et en Europe. Si c’était aussi simple de juste baisser la culotte et être à un tel niveau, de nombreux artistes ivoiriens auraient déjà fait le tour des Zéniths.
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Mais là, n’est pas la problématique. Ce qui intéresse, comment Beynaud réagit-il face à toutes ces rumeurs auxquelles l’on veut donner mordicus une once de vérité ? Motus et bouche cousue, c’est sa réaction. La toute dernière achève de convaincre. Là où ses pourfendeurs quelques jours après son sacre n’ont trouvé rien de nouveau à dire, lui, s’est fendu plutôt d’un direct avec des titres de son répertoire sautant comme un môme dans sa demeure qu’il s’est faite construire à Abidjan sur la route de Bassam.
Juste des remerciements à ses fans, aucun traître mot pour ses détracteurs. Il a brandi des coupes de champagne entouré de ses proches, sablant sa victoire. Tout simplement du Beynaud, égal à sa philosophie : « On ne parle plus trop ».
>Le féminin de Beynaud dans cette manière de s’illustrer dans le métier pourrait bien être Vitale. En foot, tout comme dans bien de domaines, ce ne sont pas forcement les meilleurs qui récoltent les lauriers. Elle, elle est restée fidèle à sa ligne. Une provocation maximum sur le plan vestimentaire et chorégraphique, en mettre plein les yeux, s’attirer de la sympathie, être là où il faut. Résultat, deux trophées d’affilée en tant que meilleur artiste féminin coupé décalé.
Et plus, pour crever l’abcès , de bonne ou mauvaise foi, sur sa page facebook, elle prendra la peine de publier les vidées de sa grande rivale, Claire Bahi avec la mention : »C’est la musique africaine qui gagne ». A chaque couple, ses méthodes. Ici, on va à l’essentiel, s’épanouir, se réaliser socialement tout en restant focus sur l’avenir.
Dj Arafat-Claire Bahi
Dj Arafat, qu’on l’aime, qu’on ne l’aime pas, il faut lui reconnaître ce caractère. C’est un fonceur, il fonce, il fonce, il se bat , il se bat . Mais pour quoi ? Et contre qui ? Parce que c’est là tout le bat blesse. Trop de forces tuent la force. Un caractère mal maîtrisé peut se retourner contre soi. Et pourtant, voilà un artiste qui a tout à gagner.
Il a une aura comme peut en dégager un artiste. Une notoriété reconnue sur le plan national, dans la sous-région qu’à l’international. En a-t-il conscience ? Ou est-ce cette crainte de voir l’élixir du succès le quitter qui veut le voir ainsi vivre dans le succès au quotidien ? Les questions restent posées. Mais une certaine approche permet de comprendre. Lorsqu’on a connu le succès un peu tôt et même très tôt, comme c’est son cas.
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Déjà à 14 ans dans la précocité, il montait sur les casiers de bières pour prendre un peu de taille dans la cabine des dj au maquis »Shanghai » à la rue princesse à Yopougon afin de titiller les platines. En 2003, avec son premier single , »Jonathan », tout ira tellement vite malgré la désillusion de l’aventure européenne. 15 ans que sa carrière musicale dure, en plein régime.
Il faut être fort mentalement pour tenir un tel rythme. Et lorsqu’on n’est pas assez fort, bonjour les dégâts, surtout avec les réseaux sociaux qui font que l’on ne se donne pas le temps de la réflexion. L’émotion est vive , elle se laisse exprimer et bonjour les dégâts. Dans cette logique, le »Beerus Sama » s’est bâti une image de destructeur, hélas. Que de détruire, il s’est détruit lui-même, autant, il est en passe de se détruire. Toujours à jouer la victime, à vouloir se tirer la couverture après avoir asséné des mots vifs et durs. Là où la retenue lui aurait été profitable.
Claire Bahi : Une jeune fille candide , belle qui aura surtout souffert de tant de préjugés , mais qui , par la force du caractère a su se relever en travaillant durement à cris et à larmes. Mais que voyons-nous ces derniers temps, un passif trop étouffé qui sort sous forme de mots acerbes pour ses détracteurs. Les directs récents de Claire Bahi contrastent avec la jeune fille battante. Alliée désormais au »Beerus Sama » dans la guerre des frondeurs, elle est inexorablement dans une une logique, qui, nous l’espérons, ne la détruira pas elle-même.