L’engagement de l’artiste reggae ivoirien pour la cause du Président Laurent Gbagbo n’est un secret de polichinelle. Comme il le dit lui-même à travers cette interview qu’il nous a accordée : »Mon engagement pour Laurent Gbagbo ne date pas d’aujourd’hui ». Bientôt huit ans que lui et ses amis de la coalition des artistes résistants battent le pavé. Ce mardi 15 Janvier, leurs regards seront tournés vers la CPI. La chambre de première instance de la Cour Pénale Internationale a, en effet arrêté la date du 15 janvier pour faire connaitre sa décision dans l’affaire Laurent Gbagbo-Charles Blé Goudé. Elle se prononcera sur les demandes de liberté provisoire et d’acquittement de l’ex président ivoirien et de Charles Blé Goudé. Serges Kassy entre la préparation de son concert annoncé pour le 09 Février au New Norming et cette date hautement importante; a pris le temps de répondre aux questions d’Abidjanpeople.
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Huit ans d’exil, Comment vis-tu loin des siens ?
L’exil s’est imposé à nous. ça été une obligation afin de sauver nos vies. Nous avons été contraints de vivre loin de notre pays. Ce n’est pas du tout facile de vivre loin des siens, surtout lorsqu’on n’y a pas été préparé. Huit ans après, on le vit encore assez difficilement parce qu’on est bien que chez soi avec sa famille, sa femme et ses enfants.
Pendant ces huit ans, tu as vécu des événements heureux comme douloureux. Ton mariage notamment et le décès de ton père. Un mot sur ces deux faits
Le décès de mon père a été l’une des épreuves les plus difficiles pour moi pendant cet exil. Après le départ de ma mère en 2004, c’est lui seul qui me restait. M’imaginer loin du pays sans pouvoir lui rendre un dernier hommage a été le pire moment de ma vie. Mais avec le temps, j’ai fini par accepter les choses. Mon mariage reste l’un des moments les plus heureux de mon exil surtout avec le concours du président, feu Aboudramane Sangaré qui a accepté de parrainer et rendre possible cette union. J’en garde de bons souvenirs.
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Lorsque tu sortais de la Côte d’Ivoire en 2011, pensais-tu passer autant de temps en exil ?
Quand le 11 avril 2011, je traversais le fleuve Tanoe, séparant la Côte d’Ivoire du Ghana, je ne m’imaginais pas rester en exil pendant 8 ans, voire plus parce qu’après l’arrestation du président Laurent Gbagbo et sa déportation à Korhogo, pour moi, la politique prendrait enfin toute sa place. Et comme l’avait fait le président Gbagbo, l’on aurait appelé tous les acteurs de la crise afin d’aller à la réconciliation nationale. Et comme notre constitution interdit à tout ivoirien d’être contraint à l’exil, les nouvelles autorités auraient mis tout en place pour faire revenir tout le monde au pays. Que nenni, c’est le contraire qui s’est produit avec la suite que nous imaginons tous.
Musicalement, tu n’es pas resté muet, peux-tu rafraichir la mémoire à ceux qui n’ont pas suivi tes productions musicales ?
Effectivement, malgré l’exil, ma carrière s’est poursuivie. Après le Ghana où j’ai enregistré mon premier single »C’est vous », sorti en France en 2012 ; en 2014, j’ai sorti un maxi single »Tous ensemble positifs » avec l’artiste français Tiwony. En 2016, j’ai sorti »Devoir de vérité ». En 2017, est sorti mon premier album de 12 titres intitulé »Loin des miens ». En 2018, il y’a eu »Allo Duekoué », mon tout dernier single.
»On bannit la peur…tout peut arriver »
Pour parler de ton actualité musicale justement, le 9 février, tu te produis au New Morning à Paris. Parle-nous de ce concert. A quoi doit-on s’attendre ?
Le 9 février prochain au New Morning, l’opportunité me sera offerte par une structure qui tente une expérience avec moi. C’est donc un défi que je dois relever. C’est ce, pourquoi, je profite de l’occasion que me donne Abidjanpeople pour inviter toute la diaspora africaine, tous les mélomanes parisiens, les patriotes ivoiriens et résistants ivoiriens à venir massivement à cette messe du reggae. J’invite surtout tous mes fans, qui, de près ou de loin me soutiennent.
Au menu, c’est 16 titres. De »John bri » à »Allo duekoué » en passant par »Min révolté », et ce, en live avec mon orchestre, »les Roots » piloté par Sam Koné, un grand batteur connu de tous. Tout ceci en son et lumière sous la supervision du grand Freddy Assogba. J’attends donc tous mes fans et amis, qui ce jour-là pourront aussi se procurer les CD qui seront également en ventes.
Le fait de rester en Europe a-t-il été l’opportunité pour toi de te rapprocher de certains labels afin d’internationaliser ta musique ?
L’exil a eu des hauts et des bas. J’ai surtout profité de cet exil pour continuer ma carrière musicale, faire connaitre et entendre Serges Kassy ici en Europe. Je crois que je suis sur le bon chemin avec ce nouveau label »new time song » avec qui je tente une nouvelle expérience qui a débouché sur »Allo duekoué » et ce concert au New Morning.
Serges Kassy, artiste engagé jusqu’au bout. N’as-tu jamais eu peur pour ta vie ?
Quand on fait ce choix d’être la bouche, les yeux et les oreilles du peuple, on bannit la peur de son combat surtout quand on est africain. Ensuite, on se fait une idée claire, celle de savoir que tout peut arriver. Mais faire ce que tu peux pour ton peuple qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui, c’est fort de ce mental que l’on espère vivre longtemps sous la couverture de DIEU, qu’il ne faut pas oublier de louer chaque jour.
»On parle de Laurent Gbagbo, d’un esprit, d’un guide »
Que reponds-tu à ceux qui racontent que ton engagement est dû au fait que du temps du pouvoir du président Laurent Gbagbo, tu émargeais à la présidence ?
Je leur dirai simplement que dans les années 90, le président Laurent Gbagbo était secrétaire général du Front Populaire Ivoirien ( FPI) ,donc pas encore président. Et les ivoiriens ont découvert un artiste engagé à leurs côtés.
Pour les artistes résistants, ce mardi 15 janvier marque un tournant dans votre lutte. T’attends-tu à une liberté provisoire ou un acquittement ?
Effectivement, ce 15 janvier est l’aboutissement d’un long combat qui se terminera, soit par une liberté provisoire ou un acquittement. Que ce soit l’un ou l’autre, pour nous, c’est déjà une victoire car nous savons qu’ils regagneront leur pays très bientôt. On ne retient pas indéfiniment des innocents en prison sans preuves.
Quels seraient tes premiers mots dans l’un des deux cas ?
Ce sera des mots de joie et d’espérance pour une Côte d’Ivoire nouvelle qui amorcera enfin un départ nouveau dans la paix et dans la vraie réconciliation.
Au cas où l’acquittement était accordé au Président Laurent Gbagbo, envisagerais-tu de rentrer en Côte d’Ivoire ?
Si l’acquittement était prononcé comme nous le sentons, en ce moment, on pensera à un retour au pays, mais ça, c’est un autre débat.
Tu serais le conseiller du Président Laurent Gbagbo, que lui dirais-tu par rapport à une potentielle candidature aux élections présidentielles de 2020 ?
On n’a rien à lui dire après son acquittement car lui seul sait ce qu’il fera. On parle de Laurent Gbagbo tout de même. On parle d’un esprit, d’un guide.
Un témoignage, un message pour terminer
Quatre fois, j’ai été rendre visite à nos illustres prisonniers à la Haye, et quatre fois, j’ai compris une chose : C’est nous les visiteurs qui étions en prison, pas eux. Ils sont plus solides dans la tête que nous. Ce sont ces moments forts que je retiens. Je voudrais saluer toute la Côte d’Ivoire et dire aux ivoiriens que nous leur disions qu’un jour, il fera jour, ce jour n’est plus loin. A très bientôt.