Katinan Koné et Damana Pickass se prononcent sur le rejet de leurs candidatures aux législatives ivoiriennes du 6 mars 2021 par la CEI.
Le dimanche 31 janvier 2021, la commission électorale indépendante (CEI) a fait lecture publique de sa décision numéro 001/CEI/EDAN/CC DU 31 JANVIER 2021 PORTANT PUBLICATION DE LA LISTE PROVISOIRE DES CANDIDATS AUX ELECTIONS DES DEPUTES A L’ASSEMBLEE NATIONALE DU 06 MARS 2021. Il ressort de cette décision que les candidatures de messieurs Katinan KONE Justin et Adia Damana ont été rejetées « pour défaut de preuve de leur résidence continue en Côte d’Ivoire ».
Au soutien de sa décision, la CEI avance l’argument selon lequel les certificats de résidence que nous avons produits, à l’instar de tous les candidats à l’appui de notre demande de candidature, ne mentionnent pas que nous avons résidé en Côte d’Ivoire de façon continue les 5 dernières années comme le prescrit l’article 71 du code électoral « alors qu’ils sont notoirement reconnus comme résidant à l’étranger ; qu’invités à fournir des compléments d’informations par courriers N. 021 et 022 en date du 27 janvier2021, ils n’ont pu ni produire les justificatifs complémentaires attestant de leur résidence continue en Côte d’Ivoire, durant les cinq années précédant les élections, ni faire la preuve que leur sont applicables les exceptions permettant de déroger à cette prescription légale ».
Afin que les uns et les autres se fassent une opinion sur cette affaire, nous tenons à faire les précisions suivantes :
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1. Nous avons déposé, sous le parrainage du groupement politique Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS), nos candidatures aux élections législatives du 6 Mars 2021 respectivement dans les circonscriptions de Port-Bouët et de Marcory. Nos candidatures ont été déposées dans les délais prescrits par le code électoral. Nos dossiers comprennent toutes les pièces justificatives requises par l’article 77 du code électoral et reprises par le communiqué de la CEI publié le 31 décembre 2020 et encore disponible sur le site de ladite commission.
2. A notre grande surprise, nous avons reçu chacun un courrier le 27 janvier 2021 de la CEI dans lequel celle-ci, sans remettre en cause l’authenticité et la validité des certificats de résidence que nous avons produits au soutien de nos demandes de candidature, relève toutefois qu’il ne résulte pas desdits certificats de résidence que nous résidons de façon continue en Côte d’Ivoire pendant les cinq années précédant la date des élections, « ce d’autant plus que l’actualité établit de façon récurrente que vous vivez en dehors de la Côte d’Ivoire depuis la crise électorale de 2011. Par conséquent nous vous prions de bien vouloir nous produire, sous 24 heures, des éléments complémentaires d’information attestant que vous avez résidé de façon continue en Côte d’Ivoire pendant les cinq (5) dernières années. A défaut, nous vous prions de bien vouloir produire tout document attestant que cette prescription ne vous est pas applicable ».
3. La demande de la CEI nous a paru à la fois curieuse, inquiétante, et superfétatoire.- Elle curieuse, parce que tous les certificats de résidence en Côte d’Ivoire présentent la même configuration et portent les mêmes mentions. Alors pourquoi pour les uns lesdites mentions seraient-elles suffisantes pour établir qu’ils résident en Côte d’Ivoire de façon continue et que les mêmes mentions seraient insuffisantes pour établir, pour nous deux et nous seuls, notre résidence continue.
Elle est encore curieuse en ce que nulle part, dans les pièces à fournir prévues à l’article 77 du code électoral et dans le communiqué de la CEI du 31 décembre 2020 ci-dessus rappelé, il n’est mentionné le nom d’une pièce ou d’un autre document que les exilés politiques devraient produire au soutien de leur candidature. Une telle pièce ou un tel document aurait été mentionné que nous l’aurions produit.
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Certainement, la notoriété publique qui permet à la CEI d’établir d’autorité notre résidence hors du pays a dû la convaincre que nous étions des exilés politiques notoirement connus et qu’il était dès lors inutile de nous demander une preuve de cet était de fait. D’où l’absence remarquable d’une telle pièce justificative dans la liste des documents à fournir telle que publiée par la CEI elle-même pour faire acte de candidature.- Elle est inquiétante par ce que cette demande crée une nouvelle source de droit en Côte d’Ivoire qui est « l’actualité ».
Celle-ci a même autorité sur les actes administratifs et les actes judiciaires dûment délivrés par les autorités compétentes. Elle est aussi inquiétante en ce qu’elle crée une catégorie de candidats (candidats selon l’actualité) non prévue par aucune disposition du code électoral et à laquelle l’on requiert des pièces justificatives elles aussi non prévues par ledit code.
Nos inquiétudes ont également porté sur la compétence de la CEI en matière de contrôle de l’éligibilité que lui confère le code électoral en ses articles 81 alinéa 1er et 82 alinéa 1er. Cette compétence lui donne-t-elle pouvoir de réduire la portée d’un acte administratif ou judiciaire émis par une autorité compétente dûment établie à cet effet. Cette question est d’autant plus importante qu’elle va au-delà de notre cas. Il s’agit d’une question qui pourrait déterminer la conduite des élections dans le futur, la CEI pouvant désormais contester ou diminuer la portée juridique de tous les actes administratifs qui seront produits au soutien des demandes de candidatures.
Ce faisant, le risque est grand que la CEI devienne un organe juridictionnel ou une autorité administrative qui exercerait un contrôle a posteriori sur les actes émis par les autres administrations ou juridictions.- La demande de la CEI nous a paru superfétatoire en ce qu’elle nous demande des informations que seul le certificat de résidence fournit en Côte d’Ivoire. Ayant joint à nos demandes de candidature des certificats de résidence, nous ne savons pas, encore aujourd’hui, quel autre document administratif ou judiciaire aurait une force probante plus forte que le certificat de résidence pour établir la résidence continue en Côte d’Ivoire surtout que c’est cette pièce et elle seule que tous les autres candidats ont produite comme pièce justificative de leur résidence continue. Par ailleurs le délai de 24 heures qui nous été alloué pour répondre à cette demande n’est prévu par aucune disposition du code électoral.
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Au vue de tout ce qui précède, nous affirmons que c’est de façon arbitraire que la CEI a rejeté nos candidatures. Aussi, avons-nous décidé, après avis d’EDS qui parraine nos candidatures, d’exercer un recours devant le Conseil Constitutionnel, droit que nous reconnaît l’article 82 alinéa 2 du Code électoral.
Nous avons à cet effet constitué maître Louis Métan, ancien Bâtonnier du barreau de Côte d’Ivoire pour défendre notre cause devant l’auguste Conseil Constitutionnel dans notre intérêt, celui d’EDS que la CEI prive de 4 sièges, celui des populations de Marcory et de Port-Bouët à qui l’on restreint la liberté de choix de leurs députés, et, surtout, dans l’intérêt du droit. En effet, il est impérieux que soient connues de façon définitive, par une décision judiciaire ayant autorité, les limites de la compétence de la CEI en matière de contrôle de l’éligibilité des candidats aux élections législatives.