Les obsèques de Toussaint N’Guessan Koffi, le jeune homme qui avait été décapité à Daoukro ont eu lieu ce 21 novembre 2020.
« Il a voulu lutter pour son pays »: à Daoukro, fief de l’opposition en Côte d’Ivoire, les obsèques de Toussaint N’Guessan Koffi, décapité lors des violences électorales liées à la présidentielle, se sont muées en une tribune politique anti-Ouattara.
Des affrontements intercommunautaires dans le sillage de la réélection pour un troisième mandat controversé du président Alassane Ouattara avaient fait six morts et 41 blessés le 9 novembre à Daoukro, fief de l’ex-président et principal opposant Henri Konan Bédié, déjà le théâtre de violences meurtrières en août.
Toussaint N’Guessan Koffi, 34 ans, de l’ethnie locale baoulé, a été tué et décapité lors de ces affrontements. L’image, diffusée sur les réseaux sociaux, d’un de ses bourreaux donnant un coup de pied dans sa tête a choqué le pays et provoqué une vague d’indignation.
Samedi matin, des milliers de jeunes, bandeaux rouges noués sur la tête en signe de deuil et de colère, ont pris d’assaut la morgue de la ville, point de départ des cérémonies funéraires.
Un poster en couleur de la victime était dressé sur son cercueil, en face des centaines de personnes dont des notables du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, le parti de Bédié).
LIRE AUSSI : Obsèques des victimes de la désobéissance civile : les mots du président Bédié
Un peu plus loin, des jeunes tenaient des pancartes sur lesquelles on pouvoir lire : « Tué pour la démocratie! » ou « Décapité pour le 3e mandat inconstitutionnel ».
- « Préfet dehors ! »-
« Mon fils a perdu la vie dans les manifestations anti-Ouattara. Il a voulu lutter pour son pays, sa mort me choque, je mourrai sans oublier », a déclaré Édouard Kouakou Koffi, 70 ans, père de la victime, tenant son petit-fils de 12 ans dans ses bras.
« Le devoir qui nous incombe de donner un sens à ta tragique disparition nous revigore pour la victoire (…) de la liberté du peuple ivoirien », a déclaré de son côté un porte-parole de la jeunesse de l’opposition, Joachim Konan, au cours d’une oraison funèbre émaillée d’incidents.
Un groupe de jeunes surexcités a fait irruption aux cris de « préfet dehors! » pour dénoncer la présence aux obsèques du préfet de région Solange Aka, qui selon eux, représentait « le pouvoir d’Alassane Ouattara ».
Une fois le calme revenu, le cortège funèbre s’est ébranlé au son de la fanfare mêlé aux vrombissements des motos.
De nombreux badauds s’étaient massés le long du parcours jusqu’au cimetière distant de dix kilomètres, à l’entrée sud de la ville.
Toussaint N’Guessan Koffi a été porté en terre en même temps que Jean Kouassi Yao, 18 ans, une autre victime des violences.
- Au moins 85 morts depuis août –
« Ce combat que tu menais va continuer ici-bas afin que ton idéal de liberté et de démocratie soit atteint dans les prochains jours », a déclaré l’ancien ministre et général à la retraite Gaston Ouassenan Koné, présentant les victimes comme des « martyrs ».
Signe manifeste de la division entre communautés à Daoukro, aucun représentant des Dioula, ethnie du nord du pays réputée favorable au président Ouattara, n’était présent à ces obsèques.
En août, après l’annonce de la candidature de M. Ouattara à sa réélection, des protestations avaient dégénéré en violences interethniques, faisant au moins quatre morts à Daoukro.
Les élus locaux, responsables religieux et sécuritaires ainsi que les chefs de communautés avaient alors créé un « Comité d’éveil » contre les conflits interethniques, censé réconcilier les habitants.
Les troubles liés à l’élection présidentielle du 31 octobre ont fait au total au moins 85 morts et près de 500 blessés depuis août dans tout le pays, selon un bilan officiel.
La tension a cependant nettement baissé depuis une rencontre entre MM. Ouattara et Bédié le 11 novembre, prélude à des pourparlers annoncés entre le pouvoir et l’opposition.