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vendredi, novembre 22, 2024
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    Bédié ne fait confiance à personne, ni même à la CEDEAO

    La CEDEAO a failli dans la prévention des crises en Afrique de l’Ouest et ce dans dialogue politique ivoirien Bédié a perçu le danger.

    En octobre 2020, les institutions internationale (Nations unies), continentale (UA) ou régionale (CEDEAO) se sont rendues en mission à Abidjan et Conakry pour s’enquérir des conditions des processus électoraux en cours. Pour rappel, les présidents guinéen et ivoirien sortants sollicitent un troisième mandat, jugés anticonstitutionnels. La campagne électorale en cours a déjà fait des morts en Guinée Conakry, qui votera ce dimanche 18 octobre. En Côte d’Ivoire, qui est appelée aux urnes le 31 octobre, les tensions, avec décès et blessés, ont commencé dès l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara, le 6 août dernier.

    Après le coup d’État au Mali du 18 août, l’UA et la CEDEAO avaient suspendu cet État de leurs instances respectives. Cette dernière n’avait pas hésité à imposer des sanctions commerciales et financières, la fermeture des frontières, mesures lourdes qui ont pesé sur une économie déjà très fragile et donc sur la vie quotidienne des Maliens. Rien n’était assez fort : admonestations, ultimatum, embargo, pour obliger les putschistes à rétablir « l’ordre constitutionnel afin de respecter le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de cette institution. »

    Dès lors, il eût été logique que la mission à Abidjan des trois institutions précitées auxquelles s’est ajouté le Conseil de l’Entente, l’une des plus anciennes organisations de coopération régionale en Afrique de l’Ouest, esquissât a minima des propositions pour sortir de l’impasse. Il n’en a rien été. Sur le papier, le mandat de ce quadrium virât était pourtant très clair : « dans le cadre des efforts de diplomatie préventive », il s’agissait de « promouvoir la tenue d’une élection présidentielle crédible, transparente et pacifique en République de Côte d’Ivoire. » Il est vrai que compte tenu de tous les contentieux qui opposent le Président sortant, Alassane Ouattara, à l’opposition unie : fichier électoral, Commission électorale indépendante (CEI),  « troisième mandat anticonstitutionnel », la tâche de ces « missionnaires » s’annonçait particulièrement ardue.

    Les diplomates s’en sont pourtant acquittés avec une facilité déconcertante et en un temps record de quatre jours, du 4 au 7 octobre 2020.

    Le communiqué final de ladite mission laisse le lecteur coi, face à cet exercice de langue de bois de très haute volée : « La Mission conjointe a invité l’ensemble des parties prenantes à favoriser le dialogue et à s’engager pour l’organisation et la tenue d’une élection crédible, transparente, inclusive, respectueuse des droits de l’homme et qui tient compte des mesures barrières pour contenir la propagation de la pandémie à la Covid-19.» Tout le reste est à l’avenant.

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    Dans ce genre de communiqué, ce qui n’est pas dit est souvent plus intéressant que ce qui est écrit. Ainsi, les diplomates ont-ils omis d’appeler au respect de leurs propres textes, que ce soit le protocole additionnel de la CEDEAO, ou la Charte de l’Union africaine, tous deux limpides en matière d’élections et de démocratie. Ils ont également « oublié » d’évoquer les très récentes décisions, de septembre 2020, de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ordonnant au gouvernement ivoirien de réintégrer l’ancien Président Laurent Gbagbo et l’opposant Guillaume Soro sur les listes électorales afin qu’ils puissent voter et être candidats.

    Pas un mot non plus sur la situation de Laurent Gbagbo, qui, malgré ses demandes officielles, n’a toujours pas obtenu son passeport, en violation de la Constitution ivoirienne, qui précise en son article 12 qu’aucun de ses concitoyens ne peut être contraint à l’exil.

    Lorsque Mohamed Ibn Chambas, le représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest s’était rendu seul en Côte d’Ivoire en septembre dernier, il avait obtenu une petite avancée, avec la libération de neuf prisonniers proches de Guillaume Soro, dont trois députés. Accompagné du triumvirat, il n’obtient rien. Pourquoi ? Depuis 2017, c’est Jean-Claude Brou, un Ivoirien fidèle d’Alassane Ouattara qui est à la tête de la CEDEAO, le Conseil de l’Entente est également dirigé par l’un de ses compatriotes. La commissaire aux affaires politique de l’Union africaine, la Burkinabè, Minata Samaté Cessouma, est en campagne pour sa réélection à ce poste, elle a besoin de tous les soutiens et ne peut donc pas se permettre de taper du poing sur la table. Quant à l’Onu, depuis l’arrivée d’Antonio Guterrez, qui a pourtant fait part de sa vive inquiétude concernant la Côte d’Ivoire, elle laisse les institutions régionales aux avant-postes et leur délègue la prévention et la résolution des conflits. Il n’y a donc plus personne pour faire valoir le droit international, les grands principes, les droits de l’homme, etc. pourtant tant vantés.

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    D’autant que tout ce qui vaut pour Alassane Ouattara vaut également pour Alpha Condé, puisque les deux Présidents en exercice sont montés sur la même fragile embarcation du troisième mandat. Le premier est puissant au sein de la CEDEAO, le second compte de nombreux soutiens au sein de l’Union africaine. Par conséquent, la mission tripartite en Guinée Conakry n’a pas donné plus de résultat que celle qui a eu lieu en Côte d’Ivoire. La chef de cette mission, la Ghanéenne Shirley Ayorkor Botchway, présidente du conseil des ministres de la CEDEAO a même déclaré que le Président guinéen est « un démocrate et il continuera toujours à prouver son caractère démocrate »…

    Des peuples livrés à eux-mêmes

    Une phrase qui risque de peser lourd dans le cas, presque quasi certain, où les résultats de l’élection présidentielle seront contestés, avec une nouvelle fois de nombreux morts à la clé. En prononçant ces mots, en ne faisant pas respecter leurs propres textes, l’Onu, l’UA, la CEDEAO se sont défaussées. Dès lors, ces institutions n’auront plus ni légitimité ni capacité d’action en cas de conflits postélectoraux. Les opposants ivoiriens comme guinéens ont bien compris qu’ils ne pouvaient compter que sur leur propre détermination et que seul le rapport de forces sera décisif dans la bataille qu’ils mènent. L’ancien Président ivoirien, Henri Konan Bédié, a perçu le danger d’une telle situation et en a appelé, lors du dernier meeting de l’opposition du 10 octobre dernier, directement et personnellement à Antonio Guterrez.

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    Une position intenable

    Quant aux autres acteurs internationaux, les États-Unis se sont montrés à plusieurs reprises préoccupés par le cas ivoirien, mais ils laissent, eux aussi, leurs partenaires et leurs ONG prendre les devants. L’Union européenne s’est pour sa part fendue d’un texte plus courageux, puisqu’elle rappelle les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme. Reste le cas symptomatique de la France… Emmanuel Macron qui – faut-il le rappeler ? – avait fêté son anniversaire en grande pompe à Abidjan en décembre dernier ; Emmanuel Macron, qui avait félicité le Président Ouattara lorsque celui-ci avait inopportunément déclaré qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandat ; Emmanuel Macron, si prompt à s’ingérer dans les affaires libanaises ou biélorusses et à soutenir les manifestants, se tait. C’est donc Jean-Yves Le Drian qui a donné la position de Paris, lors d’une audition à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. 

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